Photo: Vichères
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Vichères (Valais - Suisse) décembre 2002
Le temps était bien maussade depuis plusieurs jours dans la vallée du Grand Saint Bernard et la neige, en cet après- midi du mercredi 18 décembre 2002 faisait son apparition après la pluie et le vent. un manteau blanc de quelques centimètres commençait à couvrir les routes et le paysage.
Depuis le restaurant panoramique de l'hôtel, je ne distinguai qu'à de rares moments le village de Liddes quand l'un ou l'autre nuage plus conciliant permettait de découvrir la vue. Même la croix du Roc de Cornet située en face de l'hôtel sur la droite avait beaucoup de peine à émerger des nuages.
J'étais venu me réinstaller en Suisse depuis un mois dans cette région du Valais qui m'avait déjà attiré durant six ans dans les années 1980. A l'époque, j'étais céllibataire lorsque j'avais débarqué dans ce petit coin de montagne comme cuisinier avant de prendre la gérance de l'établissement, une saison plus tard.
Cette fois, j'avais loué l'hôtel pour mon propre compte et pour un contrat de 2 ans suite à une proposition du nouveau propriétaire qui voulait relancer l'activité commerciale dans son bâtiment.
Au départ, je n'avais pas été très chaud pour entreprendre ce défi mais lorsque nous étions venus visiter l'hôtel avec mon épouse Charline en aôut, elle était tombée sous le charme de ce petit hameau perché dans la montagne de même que mon fils Sylvain, alors âgé de 4 ans, qui s'était amusé comme un petit fou durant notre séjour.
Charline avait tellement insisté pour s'établir ici que j'avais cédé à la tentation hasardeuse de relancer cet hôtel qui m'avait fait vivre une belle tranche de vie beaucoup plus tôt.
L'hôtel était situé sur la rive gauche de la Dranse d'Entremont qui dévalait la vallée depuis le barrage hydroélectrique des Toules et à flanc de montagne d'un petit hameau nommé Vichères.
Ce petit village complètement abandonné à l'aube des années cinquante avait été racheté par un entrepreneur de la région qui transforma tous les vieux raccards en de superbes chalets. Du plus grand des raccards situé face à la vallée, il en fit un hôtel restaurant qui lui permettait dans un premier temps d'accueillir les acheteurs potentiels au fur et à mesure des rénovations.
Hormis deux chalets habités à l'année, tous les autres étaient des secondes résidences appartenant pour la plupart à des citadins helvétiques mais il y avait néanmoins des propriétaires étrangers dont un anglais et trois belges.
En 1974, le père de ce hameau renaissant de l'oubli créa et inaugura, depuis le lieu-dit du "Chapelet" et sur l'alpage de bavon, afin de complèter l'infrastructure touristique, une station de ski dotée d'un télésiège, d'un téléski et d'un restaurant.
Nous avions ouvert l'hôtel le samedi 14 décembre et pendant les trois semaines qui précédèrent, nous avions dû lui donner un sérieux coup de lifting notamment au niveau des peintures dans la bar et dans la salle de restaurant. Avec l'aide de deux dames du village, Charline s'était aussi occupée de redonner un brin de fraîcheur aux chambres en y changeant rideaux et tentures. Des tentures différentes pour chaque chambre afin de donner à chacune leur personnalité.
Durant tout ce temps, je m'étais occupé de la partie administrative et de faire la promotion publicitaire pour la saison d'hiver. J'avais aussi rencontré les fournisseurs avec qui je travaillerai et j'élaborai également les nouvelles cartes de restauration sans oublier, non plus, la remise en état de la cuisine. Ce serait d'ailleurs un régal d'y cuisiner car elle disposait de nombreux plans de travail avec frigo-tiroirs et d'un fourneau central très professionnel fonctionnant à l'électricité et au gaz.
Le week-end d'ouverture avait amené une clientèle principalement locale. Des propriétaires des secondes résidences et des gens du village de Liddes. Je reconnaissais d'ailleurs la plupart de ces personnes, certains perdus de vue depuis plus d'une décénnie et d'autres que j'avais eus l'opportunité de revoir à l'une ou l'autre occasion soit en Belgique ou soit ici même lors de deux petits séjours en 1995 et 1996.
La soirée du samedi avait été conviviale à souhait et les retrouvailles avec l'hôtel et moi-même enchantaient bon nombre de gens à qui je présentai fièrement Charline et Sylvain.
Un brin de nostalgie m'entraînait aussi dans une pensée pour des personnes que j'avais côtoyées auparavant et qui étaient décédées depuis lors.
Il était seize heures et la neige redoublait d'intensité. j'étais seul au bar et je venais de me servir un ballon de Fendant que je sirotai à petites gorgées. Quelques instants plus tard, j'allai de nouveau vers la salle de restaurant et je distinguai, depuis la fenêtre, une Golf verte montant la route le long du torrent de "l'A". Pas de doutes, il s'agissait de Charline et de mon fils revenant de Martigny.
A leur arrivée, Sylvain accourut vers moi.
- Tiens papa, il y a une voiture belge sur le parking. Dis-moi, ce sont des clients pour l'hôtel?
- Oui, ils sont arrivés vers 14H lui répondis-je alors que Charline arrivait également dans le bar les bras encombrés de plusieurs sacs.
- Et tu les a installés dans quelle chambre?
- A la 2, ils sont-là jusqu'à samedi matin.
- Ils sont belges et ils viennent d'où? Ajouta-t-elle.
- Je n'en sais rien car ils n'ont pas encore rempli le carnet des arrivées. Je leur ai montré la chambre et ils m'ont dit qu'ils se reposaient deux heures.
- Tiens mon chou me dit Charline en me tendant un sac à la marque de Charles Vögele.
J'en sortis un pantalon classique noir à pinces.
- J'espère qu'il te plaît puisque c'est ce que tu voulais pour mettre au réveillon de Nouvel-An, non?
- Merci, tu es un ange pour moi, lui répondis-je.
- Puis regarde! J'ai acheté ce pull bleu en jersey pour Sylvain.
Elle me montrait également des guirlandes lumineuse et des boules de Noël qu'elle sortait de deux sacs venant du centre commercial du Manoir.
- Il y a aussi le sapin dans le coffre de la Golf et les courses que tu m'avais demandées.
J'allai ouvrir la porte de la cuisine qui donnait sur le parking puis je déchargeai les marchandises qui remplissaient le coffre de la voiture.
Après avoir rangé les viandes et les légumes dans la chambre froide, je revins vers le bar juste au moment où le couple belge de la chambre deux était venu s'installer dans le coin salon.
Ils me commandèrent deux cafés et je vis que l'homme me dévisageait pendant que j'étais occupé à préparer le plateau dans le bar. L'espace d'un instant, nos regards se croisèrent et j'avais l'impression d'avoir déjà rencontré cette personne auparavant. Il devait également se faire la même réflexion car il m'interrogeait d'emblée lorsque j'apportai les cafés.
- Votre visage ne m'est pas inconnu et je vous ai déjà rencontré quelque part mais je n'arrive pas à situer le lieu.
- En Belgique certainement, lui répondis-je. Je proviens de la région liégeoise, de Comblain exactement.
- Vous n'aviez pas une taverne dans ce village?
- Si, le Café des Sports!
- j'y suis allé à deux ou trois reprises lorsque j'habitais Ferrières mais c'était avant 1997. Le monde est petit, n'est ce pas Véro? Dit-il tout en tournant la tête vers son épouse ou sa compagne.
Elle acquiesça en montrant un joli sourire qui accentuait le charme de ses yeux bleus. Véronique était une jolie blonde de mince et élancée d'environ 25 ans.
- En lui faisant remplir le document d'arrivée autrement appelé la fiche de police, il m'apprit qu'il avait déménagé dans la province du Luxembourg depuis 1997 pour des raisons professionnelles. En effet, je pouvais constater d'après la fiche d'identité, qu'il habitait Arlon et qu'il avait renseigné agent financier comme profession. J'appris également qu'il s'appelait Fabrice Maréchal et qu'il avait 36 ans.
A l'arrivée de plusieurs clients au bar, nous avions abandonné notre conversation. C'était plus tard dans la soirée, lorsqu'ils avaient pris place au restaurant pour le dîner que nous pouvions discuter à nouveau.
Ils avaient commandé un plateau valaisan comme entrée. Celui-ci était composé de viande séchée du Valais, de saucisson au noix, de jambon cru de montagne, de lard sec et de morceaux de fromage de Bagnes. Ensuite, je leur avais servi la fondue aux tomates, une recette typique de la région. Il s'agissait d'une fondue au fromage à laquelle on ajoutait du coulis et des dés de tomates. Au lieu de tremper un morceau de pain dans le caquelon, on prenait une portion avec une louche que l'on versait sur des pommes de terre en robe des champs.
- Vous êtes arrivés ici par hasard ou bien vous connaissez la région? Leur demandai-je tout en remplissant leurs verres de fendant "Pierrafeu". Un vin blanc sec de la cave coopérative Provins issu du cépage chasselas et accompagnant à merveille les mets au fromage.
- Pour moi, c'est plutôt le hasard même si je viens régulièrement dans le valais pour des transactions financières. Mais Véronique connaît ce lieu depuis une bonne dizaine d'années. c'est elle qui a eu l'idée de venir ici.
- Je suis venue une semaine à carnaval début des années 90 lorsque j'étais ado. Des amis avaient loué un chalet à Petit-Vichères. Et j'avais envie de revoir cet endroit m'affirma-t elle.
- C'est vrai! Quand on est venu ici une fois, on a tojours envie d'y revenir lui répondis-je. Mais si vous avez envie de skier, vous n'avez pas choisi le bon moment. on annonce le même type de temps jusqu'à dimanche. Pluie ou neige selon les moments.
- Non je suis ici avant tout pour le travail déclara Fabrice. j'ai rendez-vous à martigny demain et vendredi à Verbier avec des clients. J'espère juste que les routes ne seront pas trop encombrées par la neige.
- Je ne pense pas car le temps devrait tourner à la pluie demain. De toute façon même par fortes chutes de neige la route du Grand Saint Bernard étant un axe international est toujours bien dégagée. Même dans les routes secondaires, le chasse neige passe. Ce n'est pas la pagaille comme en Belgique dès qu'il y a 10 centimètres de neige ajoutai-je avec un léger sourire.
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