5 ANS DE PLUS OU 5 ANS DE MOINS: extrait chapitre 3

 

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Photo: Vue depuis le pont de Fragnée (Liège)

 

3

 

      Mon radio réveil sonnait une première fois à 6H20.  Comme j'avais prévu de me lever à 6H30, je croyais encore pouvoir savourer les dix minutes restantes de ma nuit sous la couette.

Comme d'habitude, car je dormais dans un grand lit, j'étais couché sur mon côté gauche avec le bras tendu sur l'autre oreiller où mon chat venait souvent s'étendre en posant sa tête dans le creux de mon coude.   J'étais toujours dans un demi-sommeil avec les yeux fermés et mon bras droit cherchait à tâtons la sonnerie du réveil pour l'éteindre.

A ce moment je voulais me retourner sur mon côté droit et alors que d'habitude mon chat s'écartait pour me laisser opérer le mouvement, je n'arrivais pas à ramener le bras gauche vers moi.  Il était à moitié engourdi et je ressentais une certaine pression sur mon avant-bras.  J'ouvris les yeux et je fus tout ébahi de découvrir la chevelure brune de Julie.  Elle m'apparaissait de dos car elle aussi était couchée sur son côté gauche et son épaule m'écrasait le radius.

- Mais Julie!  Enfin julie, mais qu'est-ce que tu fais là?  Lui demandai-je en lui tapotant l'épaule.

- A ton avis?  Je dors ou plutôt j'essaye de dormir car avec un Lionel Messi qui n'arrête pas de me donner des coups de pied dans les mollets ou de genou dans les cuisses, ce n'est pas évident.

- Je ne t'ai pas invité sur mon terrain de foot à ce que je sache!  Mais merci de comparer mes talents de footballeur au célèbre joueur argentin de Barcelone.  Avec au moins dix centimètres de plus et quelques cheveux grisonnants tout de même.  Finalement, tu vas quand même me dire ce que tu fais dans mon lit?

- Je me suis réveillée à cinq heures du matin et j'avais froid.  Comme le radiateur de la chambre de ton fils était fermé, j'ai cherché après la chaudière.

- Et maintenant tu me compares à une chaudière à mazout!  Tu n'as pas autre chose que des réponses idiotes?

- Ouch!  Tu pourrais prendre une humeur moins bougonne, s'il te plaît!  je pensais qu'une présence féminine dans ton pieu te ferait un autre effet.

- Mais ce n'est pas moi qui t'ai demandé de venir!  Je trouve ton attitude un peu indécente au vu de notre relation professionnelle.

A ce moment, elle se retournait vers moi en m'adressant un léger sourire plein de tendresse.  J'avais néanmoins un geste d'affection pour elle en lui passant ma main sur le front pour lui ôter une mêche rebelle qui lui tombait devant les yeux.

- Puis je ne voulais pas me montrer indécente et provocante envers toi sinon je me serais mise à poil.

- Il ne manquerait plus que ça, d'avoir enlever ton soutien gorge et ton string!  Puis il ne t'est pas venu à l'idée que je pouvais dormir nu aussi?

- Quand je me suis faufilée délicatement dans ton lit afin de ne pas te réveiller, j'ain bien remarqué que tu portais un boxer donc...

- Donc pas de scrupules mais tu as regardé quand même!

- Oh Stéphane!  Tu n'est quand même plus un gamin, espèce de pudibond va.

Elle venait poser sa tête contre mon torse et elle me carressait autour du nombril avec l'index de sa main gauche.  Je la laissais faire quelques instants alors que je lui glissais lentement les doigts écartés de ma main droite dans ses cheveux avant de lui poser quelques bécots sur le front.

C'était à ce moment que le radio réveil se fit de nouveau entendre rappelant qu'il était 6H30.

- Allez debout si tu veux prendre le Thalys qui fait 8H37 à Bruxelles.  Comme il arrive de Cologne, il devrait être ici à Liège vers 7h30.

- Tu sais quoi?  Tu vas être furieux après moi maugréa-t-elle.

- Ah bon et pourquoi?  Lui demandai-je d'un air étonné.

- On a tout notre temps.  J'ai une réservation sur le Thalys qui quitte Liège à 9H49.

- Quoi!!! Tu vas me dire que...

- Si!  Je n'avais pas réservé de chambre au Radisson de Bruxelles.  mon billet de train est un aller-retour "Paris-Liège".  Mon attardement dans les toilettes de la Cité du Dragon et l'oubli de mon téléphone dans ces mêmes toilettes, c'était fait exprès.  puis, à chaque feu de signalisation passant au rouge, j'avais presqu'un fou rire intérieur chaque fois que tu pestais.

- Julie, tu n'es qu'une garce!!!  Tout cela était donc voulu, tu m'as joué toute cette comédie pour pouvoir atterir...

- Dans ton lit mon Stéphinou!  Parce que je suis amoureuse de toi et que j'ai eu un véritable coup de foudre lors de notre première rencontre à la maison d'édition.  Pardonnes-moi, je regrette d'avoir agi ainsi et d'avoir été aussi loin mais je n'en pouvais plus de ne pas t'avouer toute l'affection que j'éprouve pour toi.

- Je ne peux rien te promettre Julie!  J'ai certes des sentiments pour toi mais ils ne sont qu'amicaux à l'heure actuelle car je ne sais vraiment pas où j'en suis dans mes relations sentimentales.

- Tu ne l'as pas encore oubliée hein?

- Qui ça?

- Ta Valérie, celle qui te blesse le coeur depuis près de deux ans.

- Oh arrête s'il te plaît, je voudrais éviter le sujet.

- OK pardon, je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie.

Le silence s'installa et elle vint se blottir de tout son long contre mon corps. Elle posa sa tête contre ma poitrine et je sentis quelques mèches de ses cheveux venir me chatouiller les narines lorsqu'elle bougeait.

Elle ferma les yeux et se rendormit alors que je l'enserrai tendrement dans mes bras.  J'étais devenu pensif et je la contemplai intensément durant son sommeil avec un regard quasi admiratif.  Je me sentais bien pendant toutes ces minutes qui s'écoulèrent jusqu'à 8H.

 

      Cette fois-ci, il n'y avait plus d'entourloupe ni dans les horaires ni dans son programme lorsque nous nous levions.

J'enfilais mon peignoir et j'allais chercher celui de mon fils dans sa chambre pour le prêter à Julie, la taille devant lui convenir.

Pendant qu'elle était allée prendre sa douche dans la salle de bain, je m'occupais de lui mitonner un petit-déjeuner.  Je trouvais des petits pains précuits préamballés à passer dix minutes au four et je préparais un percolateur de café avant de dresser la table.

Il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent dans mon frigidaire à part le beurre, un fromage à tartiner et deux tranches de jambon cuit à l'os.  Je n'avais même pas une bouteille de lait.

- Heureusement qu'elle prend son café noir me dis-je.

Soudain, je pensais aux deux pots de confiture que ma mère m'avait remis la semaine dernière et qui se trouvaient dans l'armoire au-dessus de l'évier et j'espérais qu'elle aimait la confiture aux fraises ou la gelée de framboises.

- Merci maman prononçai-je à voix haute.

- Merci qui?  Entendis-je murmurer Julie depuis l'entre-porte de la cuisine.

- Maman pour ta confiture maison ajoutai-je.

Julie s'avança vers la table haute de la cuisine et je remplis les deux mugs de café.  Elle vint me tendre un bisou sur la joue avant de s'asseoir.

- Merci pour le petit-déj, c'est très gentil de ta part et merci à ta mère pour la gelée de framboises.  J'adore!

Elle avait remis son pantalon blanc et le chemisier violet de la veille et je ne manquai pas de la plaisanter.

- Je te trouvais nettement plus séduisante hier soir dans ta robe moulante.

- Ah quoi bon puisque je ne t'ai pas fait flasher tout à l'heure en string et en soutard!  Rétorqua-t-elle sous un air faussement ronchon avant de montrer un sourire plein de tendresse.

 

      Je me rendis à mon tour dans la salle de bain  pour me doucher et me raser avant de gagner ma chambre pour m'habiller.

Lorsque je quittai ma chambre, julie était installée à mon bureau.  Elle avait certainement dû regarder les photos de mon fils et celles de Valérie épinglées au mur, sur un grand cadre en liège, à côté de mon pc.

En m'avançant vers elle, je la voyais plongée dans un dossier d'une manière si concentrée qu'elle ne m'entendit pas arriver derrière elle.  Au départ, je pensais qu'elle compulsait un de ses documents mais j'avais vite remarqué qu'il s'agissait des notes de Valérie.

- C'est intéressant de fouiner dans mes affaires?  Lui demandai-je d'un ton assez sec.

- Ouf tu m'as fait sursauter.  Tu n'es vraiment qu'n cachottier Stéphane!

- Pourquoi?

- Je lisais l'élocution de Quentin sur la Suisse.  Puis ces textes intercalés et écrits à la main!  le luxembourg, la Suisse, la mafia russe, une histoire de détournement d'argent, une femme et des enfants sous étroite surveillance à cause d'un ex-mari endetté.  Tu en as de l'imagination!

- Mais de quoi parles-tu?  Je n'y comprends rien.

- Ah,ah, je m'en doutais!  ce n'est pas toi qui a pondu cela, il me semblait bien que je ne reconnaissais pas ton écriture.  Tu ne vas quand même pas employer un négrier et utiliser ces écrits à ton propre compte?

- C'est un dossier confidentiel, je ne l'ai pas encore lu.

- Qui t'as fourgué cela dans les mains?  Je l'ai juste feuilleté et je n'ai lu que quelques extraits mais j'en sais suffisamment pour comprendre que c'est Valérie qui t'a remis cela.  Tu ne vas pas me dire que c'est elle et que tu la revois?

- Si, je l'ai vue hier midi.  Elle m'avait téléphoné la veille et elle m'a donné ces documents.  Je sais juste que ses textes parlent de son passé et de son présent réel et elle voudrait que je l'aide à écrire un bouquin.

- Tu es sûr qu'elle ne t'a pas menti sur le sujet?  c'est un peu trop abracadabrant pour être une histoire réelle d'après la première page où elle dit notamment être profondément amoureuse de toi.

- Je n'en sais rien.

- Mon pauvre Stéphinou!  Elle va encore jouer avec tes sentiments puis tu sombreras encore dans la déprime.

- Désolé Julie!

- Idiote que je suis!  Une stupide idiote, je suis venue ici avec un jour de retard, juste un tout petit jour ajouta-t-elle sur un air assez colérique.

- Calme-toi je t'en prie.  Je n'ai pris aucune décision puisque je n'ai pas encore lu son histoire.

- Mais tu vas la lire et tu lui diras oui.  Tu écriras son roman et après...

- Elle me laissera tomber encore une fois, c'est la fin de ta phrase je suppose?

- Oui, c'est ce que je voulais te dire en laissant apparaître quelques larmes dans ses yeux.

 

     Je l'invitai à quitter le siège de mon bureau et je l'attirai contre moi.  Elle passa ses bras autour de mon cou et appuya sa tête contre mon épaule.  je tentai de la réconforter en lui massant légèrement le dos du bout des doigts.

- Toutes mes excuses Stéphane!  Je me suis emportée un peu trop vite mais je n'ai pas envie que quelqu'un te fasse souffrir.

- Tracasse!  Je tiendrai compte de tes recommandations et puis pour nous deux, laisse-moi au moins le temps de réfléchir.  Ton attitude provocante m'a bousculé l'esprit un peu trop subitement mais je ne suis pas indifférent à ton charme.  crois-moi bien.

- Ah! Tu ne m'as pas trouvée ridicule alors?

- Non pas du tout!  En plus, j'adore la manière dont tu t'y est prise pour m'avouer tes sentiments.  Serais-je aussi précieux à tes yeux?

- Je t'aime et je t'en conjure, montre-le moi un jour me dit-elle d'une voix remplie d'émotion.

Elle était calmée et essuya les petites larmes qui lui coulèrent sur les joues.  Je lui proposa de reprendre un café avant de la conduire à la gare pour son Thalys de 9H49.

 

      Nous étions arrivsé à la gare des Guillemins une bonne quinzaine de minutes avant l'heure de départ.   Elle alla à la librairie s'acheter un magazine qui lui tiendrait compagnie durant le trajet etnous gagnâmes ensuite le quai.

- D'après le panneau, les wagons de première classe doivent être à cet endroit lui dis-je.

J'avais déposé son tout petit sac de voyage à terre à côté de nous et elle déposa sa veste qu'elle venait d'enlever sur celui-ci.

Ce n'était qu'un prétexte pour avoir un contact plus concret avec mon corps car elle me tendit les bras en m'invitant à l'enlacer par la même occasion.  Je répondis positivement à son invitation et je me laissai emporter par ses douces bises qui vinrent me titiller les joues et ma cou.

- Tiens j'adore aussi ton parfum.  Quel est-il?  Lui demandais-je.

- Insolence me répondit-elle.

- Il te ressemble bien par son nom.  Après tout, c'est grâce à ton insolence que nous sommes ici ensemble sur ce quai de gare.

Elle m'adressa encore une multitude de bécots sur les joues lorsque le Thalys en provenance de Cologne arriva en gare.  Et je me surpris à faire de même certainement envenimé par son tempérament fougueux.

Le train s'arrêta et nous avions réussi un beau coup de poker.  Le wagon où la place lui était réservée était juste face à nous.  Après un dernier échange de bisous dont le dernier qu'elle m'offrit était venu me caresser les lèvres, elle récupérait son sac et sa veste avant de monter dans le train.

Je la regardai avec des yeux proches de l'émerveillement et son regard envers moi était tellement scintillant de bonheur et de tendresse que  ce petit moment me parut un cruel déchirement.

- Bon voyage ma petite insolente, lui lançai-je.

- Dis-moi quel est ton choix?  Souffrir pour une femme que tu aimes ou faire souffrir une femme qui t'aime?  Me demanda-t-elle au moment où les portières se refermaient.

Malheureusement je n'eus pas le temps de lui donner une réponse et je vis le train démarrer et s'éloigner tout en me fustigeant d'une réflexion certainement appropriée au moment que je venais de vivre.

- Steph, tu es beaucoup trop con avec les femmes pour les comprendre.

 

( extrait chapitre 3 (début): 5 pages A4 sur 10)

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